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Les chatouilles

A BescondDans la série “insupportable et exceptionnel”, je vous présente “Les chatouilles ou la danse de la colère”, interprété par Andréa Bescond (seule) et mis en scène par Eric Metayer. Oui je sais, pour l’actualité théâtrale, c’est raté, c’était le Molière 2016, pas 2018 mais voilà, je l’ai vu vendredi soir avec mon mari au centre culturel Marcel Pagnol de Bures-sur-Yvette.

 

Sur scène, un thème on ne peut plus difficile, les violences sexuelles faites aux enfants, est présenté par une magicienne. Elle s’appelle Andréa Bescond et elle utilise son corps, et les voix qu’il héberge, pour danser, parler, mimer et imiter les protagonistes, réels et imaginaires, qui racontent son histoire, sa douleur.

Fin de la première scène, j’ai l’estomac noué, c’est clair, simple, précis et sans appel. Heureusement, je me rends compte rapidement que ça va aller, il va y avoir des teintes différentes dans ce récit, certaines micro-scènes vont me permettre de rire, je vais quand même avoir le droit aussi de me détendre dans mon fauteuil pas seulement de m’y tortiller… D’ailleurs, il est intéressant de constater que certaines choses qui me font grincer des dents amusent mes voisins, et vice-versa.

Les scènes déroulent donc les malheurs d’Odette – oui, comme le cygne blanc dans le ballet célèbre – et certaines prouesses d’incarnation de personnage/de jeu théâtral vont me rester longtemps à l’esprit. Lorsqu’avec une casquette rivée sur le crâne (un des rares accessoires auxquels l’interprète a recours), Odette devient Manu en un clin d’œil : elle pivote de 45 degrés vers la gauche et assume la posture, les gestes, la voix de Manu, il tourne les talons 45 degrés dans l’autre sens quatre secondes et demi plus tard et c’est Odette qui reprend la parole, celle qu’on a déjà appris à connaître un peu depuis le début de la pièce. Derrière moi, j’entendais une spectatrice chuchoter « elle devient vraiment un homme » et je vous garantis qu’elle et moi n’étions pas les seules à être scotchées d’admiration.

Le Nouréev fantasmé tient un petit rôle en temps de scène mais il a évidemment sa place dans l’histoire ; on revisite plus souvent la prof de danse, dont le personnage comprend de nombreuses strates, chacune plus finement observée et interprétée que la dernière.  Le Sud, la gouaille, l’âge, les relations avec les élèves, avec les parents d’élèves …

 

A Bescond 2Je ne fais pas souvent attention aux aspects « techniques » d’une pièce, parce que je n’y comprends pas grand-chose, mais j’ai aussi admiré le rôle joué par les éclairages, les séquences musicales et sonores.

Il reste que c’est sans conteste la performance d’Andréa Bescond qui m’a marquée. Tant de talent…

 

Et enfin, dans l’homélie qu’elle a délivrée à la fin du spectacle, qui parlait de comment protéger les enfants et faisait référence entre autres à l’actualité juridique (avec la notion de « consentement » d’un enfant), j’ai apprécié qu’elle fasse la différence entre pédophilie et pédocriminalité.

 

 

(A parte : je suis épatée qu’on arrive à voir des spectacles d’une telle qualité dans une commune de 10 000 habitants. En fait, une amie dans le monde du théâtre m’a expliqué que c’est parfaitement logique, on prend soin de programmer des spectacles en banlieue ou en province qui ont été adoubés par le public, et pas seulement par les critiques de la scène – une petite salle ne peut pas vraiment se permettre trop d’expérimentation artistique coûteuse. Et vendredi soir, les buressois dont je suis ont répondu présent,  malgré la vigilance-orange-épisode-neige-verglas).

Quatre ballets

Ce début d’année a été riche en danse pour moi, j’ai vu quatre ballets en deux mois, un avec mes deux filles, Juliette & Roméo et trois avec ma sœur, Contact, Empty moves et Roméo et Juliette.

Juliette & Roméo
Chorégraphie de Mats Ek
Opéra de Paris, 9 janvier 2015

Juliet and Romeo
Photo : Francette Levieux/ONP

Quand nous avons quitté la maison pour prendre le RER, les forces de l’ordre venaient de donner l’assaut sur les terroristes qui ont fait la sinistre actualité de janvier. Nous sommes donc arrivées en retard à l’Opéra Garnier, après une alerte à Châtelet. (Au passage, aucune panique et même pas de grogne de la part des passagers). On nous installe pour la première partie dans une petite loge d’où nous découvrons un ballet magnifique, tout dans l’emphase et la sobriété. Technique des danseurs irréprochable , mais ça, on s’y attendait, Mats Ek, Ana Laguna, Opéra de Paris, autant de garanties de qualité et aussi grandeur dans la chorégraphie, dépouillée, saisissante et la trouvaille de la nourrice qui traverse la scène en Segway… Nous avons pu savourer la deuxième partie encore mieux dans nos places à l’orchestre (grâce à la générosité de mes anciens collègues de l’IHÉS). Toute l’émotion du dénouement tragique à quelques mètres de nous, dans un silence religieux, quand la musique de Tchaïkovski se taisait. Il s’agissait d’ailleurs de musiques et non pas de la musique de Tchaïkovski, avec différents extraits de ses ballets, et pas uniquement Roméo et Juliette.

Contact
Chorégraphie de Philippe Decouflé
Théâtre national de Chaillot, 29 janvier 2015

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Photo : Laurent Philippe

Le programme du spectacle parle de « comédie musicale fantasmagorique ». J’ai bien retrouvé le côté fantasmagorique mais la comédie musicale était moins évidente pour moi. Personnellement, l’impression qui s’est dégagée de ce spectacle a été celle de me retrouver dans une des premières vidéos musique des années 80, quand les réalisateurs de clips s’amusaient à tourner des clips « artiste », excentriques et décalés. J’y ai aussi vu une esthétique Bauhaus, avec quelque chose d’Oskar Schlemmer dans les décors et costumes. C’est la séquence « géométrie » qui m’a le plus plu et j’ai aussi apprécié l’usage judicieux de la vidéo comme complément chorégraphique. J’avais vu un autre spectacle de Decouflé dans lequel la vidéo prenait à mon sens trop de place ; ici, le dosage était parfait.

Empty moves (parts I, II & III)
Chorégraphie d’Angelin Preljocaj
Théâtre de la ville, 28 février 2015

empty moves
Photo : Etienne Perra

Absence de décor, éclairages sobres, costumes réduits à de simples sous-vêtements, une « création sonore » (dixit le programme, en effet, on ne peut pas parler de musique) consistant en un monologue ponctué de bruits de foule et quatre danseurs. Et c’est tout. Pas étonnant qu’on accuse la danse d’être parfois élitiste, ou pas très accessible ! C’est vrai ici. Je pense que j’aurais préféré le spectacle avec une autre « création sonore ». Je pense que des éléments de décor autres que l’éclairage n’auraient rien enlevé à l’esprit de Empty moves. Mais je pense aussi que c’est un des plus remarquables ballets que j’aie vus depuis longtemps. Honte aux quelques spectateurs qui ont quitté avant la fin. Ils n’auront pas été témoins jusqu’au bout de l’incroyable prouesse de ces quatre danseurs, dont la technique n’a jamais flanché (allez, un équilibre raté par un des quatre, en tout et pour tout) et qui ont imprimé leur danse de toute leur énergie, leur émotion, pendant près de deux heures. Quelle prouesse physique et mentale ! Ils ont tous quatre dansé sans pause. Il n’était en effet pas question ici d’une série de solos et de duos avec quelques enchaînements à quatre, non, tout se dansait à quatre. Il n’y avait aucune improvisation, l’effort de mémorisation de la chorégraphie était donc plus important que dans un ballet « normal ». Ils étaient tous quatre excellents et ont porté ces « gestes vides » d’un bout à l’autre du spectacle avec brio.

Roméo et Juliette
Chorégraphie de Julien Lestel
Opéra de Massy, 3 mars 2015

Photo : Lucien SANCHEZ
Photo : Lucien Sanchez

Roméo et Juliette est sans conteste mon ballet classique préféré. En effet, je trouve que la danse est un vecteur parfait pour faire vivre la querelle ancestrale entre deux clans et le désespoir des « star-crossed lovers », ces amants contrariés de Shakespeare. J’ai eu la chance d’en voir de multiples interprétations. J’ai beaucoup aimé celle de Mats Ek ci-dessus mais j’ai apprécié aussi celle de Julien Lestel, en résidence actuellement à l’Opéra de Massy. Il a choisi la musique de Prokoviev, que j’adore ; il a aussi écourté le ballet un peu, ce que j’ai moins apprécié. En effet, la suppression du rôle de la nourrice enlève à la fois un peu de comédie – cette histoire qui se solde par un double suicide mérite pourtant quelques sourires pour détendre l’atmosphère de temps en temps – et un peu de douceur – la nourrice est la seule alliée un peu efficace de Juliette, je ne compte pas le prêtre que j’ai toujours trouvé bien intentionné mais mal organisé ; quelle folie de ne pas s’assurer que Roméo avait bien eu le message de la fausse mort de sa bien aimée ! Les événements s’enchaînent donc assez vite, un peu trop à mon goût. Par contre, j’ai trouvé le choix de ne pas faire la différence entre les Montague et les Capulet, hormis pour les principaux personnages, très pertinent ; cette vieille rivalité n’a aucun sens et faire danser les mêmes femmes pour les deux familles était astucieux.

Wembley Stadium, London, UK – 15 June 2013

“The ticket seekin’, hotel bookin’, money jugglin’, plane takin’, train ridin’, queue formin’, tramp meetin’, feet throbbin’, back breakin,’ burger eatin’, rain endurin’, music lovin,’ Boss followin’, legendary E….STREET…..FANS!”

Bruce Springsteen, Nowlan Park, Kilkenny, Ireland, 28 July 2013
quoted in backstreets.com

I realised recently that I hadn’t reviewed the concert I went to on June 15th at Wembley Stadium in London. After all, I review books I’ve read and ballets I’ve seen, so why not this? Well, the thing is, it was a Bruce Springsteen and the E Street Band gig, and reviewing it would be like reviewing a friend’s performance, hardly unbiased. Not to mention that I have already raved extensively about the concert to long-suffering friends and family.

You see, I’m a fan. I’m one of millions of fans in fact. And I’m not even the most dedicated or nuttiest of fans. I’ve only seen the man six times in concert, whereas many diehards have seen him dozens of times. I’m certainly not like the woman who used to show a picture of Bruce to her son and say “Daddy”. This woman features in the trailer of a film about Springsteen fans, out on July 22nd this year (I haven’t seen it and don’t really plan to). Nor do I believe that Springsteen was the final straw that broke the Berlin wall, which this article reviewing a book by Erik Kirschbaum, posits. He added his voice to that of many, which is already a commendable thing to do, but Bruce didn’t bring the wall down, people. However, I did get a little thrill out of meeting a man this summer, over breakfast in a lovely B&B, whose son is best friends with Max Weinberg’s son. Max Weinberg is the drummer in the E Street Band for those of you who have to be told EVERYthing, and he is also the bandleader of the Tonight Show Band, as in The Tonight Show of Jay Leno and now Conan O’Brien fame. Steve van Zandt, guitarist, also has an acting career so tour scheduling must be fun… Anyway, people laugh when I tell them the I-know-someone-who-knows-the-son-of-the-drummer story, I can’t think why…

So, this year’s Wembley concert. Well, great reviews have been written about it. Such as this one (scroll down about halfway down this long page to get to June 15th) in Backstreets, the biggest fan produced website on Springsteen. The guys who write in Backstreets are seriously dedicated: complete set lists go back to 1999, that means LOTS of set lists. Detailed show reviews have grown out of these set lists, which still form the heart of the website. And this is what The Telegraph reviewer made of the concert and here is what the Guardian’s wrote. There was also review in The Times that I never managed to read.

My take? Well, it was wonderful. Obviously. As always I’m struck by the brilliant and familiar music, the fact that the audience is able to sing back entire songs that are over 30 years old, the complete absence of a choreographed and minuted show, replaced very advantageously by years and years of a band playing together and knowing how to build a show for a specific audience.

And this time, I  was more aware of how a Springsteen gig has evolved over the years. (Make no mistake about it, although I’ve been scrupulous about mentioning the E Street Band every time I’ve talked about the Wembley concert, Bruce Springsteen is the band front man to end all front men. With the E Street Band or with other musicians, and I got to know Springsteen first when he was with non E Street Band musicians, Bruce Springsteen is the Boss.) The rituals have changed. Some have mourned the passing of the long stories Springsteen used to tell before a song, some of which have been recorded for posterity in live albums. While Bruce has been talking less than previously during concerts, maybe he’s been expressing himself more frequently on a larger platform, notably in recent years, supporting presidential candidates drawn from the Democrats. So I for one am quite happy to enjoy instead the now established rituals in E-Street Band shows: Bruce collecting sometimes wonderfully elaborate signs for song requests, picking out someone to dance to Dancing in the Dark, a kid to sing along to Waiting on a Sunny Day and acoustic pre-shows or finales.

Springsteen is famous for constantly coming up with new ways of making gigs special. He has hit the festival scene several times (I saw him at the Vieilles Charrues in Brittany, France and he also plays at such UK venues as Glastonbury or London Calling in Hyde Park.) And in the latter stages of the current Wrecking Ball tour, which has already been going for two years and will resume in 2014 with dates in Latin America, presumably followed by another tour of the US, he has taken to playing entire albums, yes, that’s all the tracks from an album in their original recording order. So at Wembley, we were treated to the whole of the Darkness on the Edge of Town album, a treat indeed. Other venues got Born in the USA.  Another audience pleaser are the “band stumpers”, which are very rarely played tracks, or even songs by other artists, such as Little Richard’s Lucille requested by someone at the Stade de France in Paris. On the other hand, closing a show with Twist ‘n Shout is an established E Street band tradition going back years. Bruce has given the bug for spicing things up at concerts to other band members, too: Nils Lofgren, guitarist, is known for opening shows with local traditional tunes, such as Flower of Scotland in Glasgow, sometimes using an accordion as he did when he played The Blue Danube in Vienna.

Regular Springsteen concert goers often hope for a particular song to be played. My own all-time favourite is Lucky Town, probably a heretical choice for purists, as it’s one of those that was written outside the E- Street Band era (roughly ten years from 1989), but there you go. I didn’t hold out much hope of hearing it for a second time  after I heard it at Milton Keynes Bowl in 1992. It was not on one of the signs chosen at Wembley (sadly I was too far from the stage to be a sign waver) nor at the next few venues. And then, one day, as I was still obsessively reading reviews on Backstreets in a post-Wembley glow, following the band across Europe, I discovered that Lucky Town had been requested, and played, at Leipzig. What had THAT fan done to deserve it, hey?

I’m not the only going on about the quality of the shows. See this cover of Rolling Stone? And although I’ll readily admit that many people will have in mind a favourite concert experience that might conceivably not be a Springsteen show, there are many arguments to point to the sheer staying power of the guy and his bands. Given the length of his career, you have to compare with other 60+ artists (Even though it’s not much fun realising you’re right slap bang in the demographic of an aging rock star band, facts have to be faced.) In the UK, much is made of the Rolling Stones. Sorry, but they have neither the album nor the concert output of Bruce and his E Street banders. People like Neil Young haven’t hung around long enough with Crosby Stils and Nash to make the comparison either.

Yes, I do remember with great fondness an absolutely wonderful Waterboys concert in the noughties in La Cigale, a great venue in Paris, or The Pogues’s brilliant opening before a U2 concert in Paris a longer time ago than I care to remember. But nobody churns out so many consistently feel-good shows, again and again. Nobody.